Plate-forme du mouvement ATTAC

, par jeanpol

Plate-forme du mouvement Attac

Association pour une Taxation des Transactions financières pour l’Aide aux Citoyens et citoyennes

La mondialisation financière aggrave l’insécurité économique et les inégalités sociales. Elle contourne et rabaisse les choix des peuples, les institutions démocratiques et leur souveraineté censés être en charge de l’intérêt général. Elle leur substitue des logiques spéculatives exprimant les seuls intérêts des entreprises transnationales et des marchés financiers.

Au nom d’une transformation du monde présentée comme une loi naturelle, les citoyens et citoyennes ainsi que leurs représentants se voient encore plus disputer le pouvoir de décider de leur destin. Un tel abaissement, une telle impuissance instituée nourrissent la progression des partis antidémocratiques. Il est urgent d’enrayer ce processus en créant de nouveaux instruments de régulation et de contrôle, aux niveaux national, européen et mondial (international). L’expérience indique assez que les gouvernements ne le feront pas sans qu’on les y incite "d’en bas". Relever le double défi d’une implosion sociale et d’une désespérance politique exige donc un sursaut civique et militant.

La liberté totale de circulation des capitaux, les paradis fiscaux et l’explosion du volume des transactions spéculatives acculent les Etats à une course éperdue en faveur des plus gros investisseurs. Plus de 1800 milliards de dollars vont et viennent chaque jour sur les marchés des changes à la recherche d’un profit instantané, sans rapport avec la dynamique de la production et du commerce des biens et des services. Une telle évolution a pour conséquences l’accroissement permanent des revenus du capital au détriment de ceux du travail, la généralisation de la précarité et l’extension de la pauvreté.

Les conséquences sociales de ces évolutions sont encore plus graves dans les pays dépendants, les pays du Sud et d’Europe de l’Est, qui sont touchés de plein fouet par la crise financière et soumis aux diktats des plans d’ajustement du FMI. Le paiement du service des dettes publiques oblige les gouvernements à abaisser au minimum les budgets des divers services sociaux, des systèmes de sécurité sociale ; il condamne des sociétés entières au sous-développement. Dans les pays dépendants, les taux d’intérêt beaucoup plus élevés que dans les pays les plus développés contribuent à détruire les entreprises nationales non subordonnées aux transnationales. Les mesures de privatisation et de dénationalisation, à l’échelle planétaire, se multiplient pour dégager les ressources exigées par les grands investisseurs.

Partout les acquis sociaux sont remis en cause. Là où existent des systèmes de retraite publique, par répartition, les salarié·e·s sont invités à les troquer contre un mécanisme de fonds de pension (par capitalisation) qui aboutit : à soumettre un peu plus leurs propres entreprises aux seuls impératifs d’une profitabilité à très court terme, à étendre la zone d’influence de la sphère financière et à persuader les citoyens de l’obsolescence de rapports solidaires entre nations, peuples et générations alors même que la crise sociale et écologique exige à son tour le resserrement de ces solidarités.

La déréglementation touche l’ensemble des marchés du travail, met en concurrence directe ou indirecte les salarié·e·s d’une majorité de pays ; cela a comme conséquences la dégradation des conditions de travail, la montée de la précarité et du chômage, le démantèlement progressif des systèmes de protection sociale (là où ils existent), et la dévastation de l’environnement. De même ces déréglementations obligent des millions de personnes à choisir l’exil et à devenir ainsi une composante toujours plus importante des migrations internationales (dont les causes sont multiples). Une partie de ces hommes et de ces femmes en exil parviennent à rejoindre les pays du Nord où elles sont souvent perçues comme des boucs émissaires bien plus que comme des messagers d’un monde en désordre.

Au prétexte du développement économique et de l’emploi, les grands pays n’ont pas renoncé à signer un Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) qui donnerait tous les droits aux investisseurs et imposerait tous les devoirs aux Etats. Devant la pression de l’opinion publique et de la mobilisation militante, ils ont dû abandonner leur projet de négocier cet accord dans le cadre de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Mais ils ont relancé la discussion dans le cadre de l’OMC, du Round du Millénaire. Dans le même temps, les Etats-Unis, mais aussi la Commission européenne (instance de l’Union européenne), poursuivent leur croisade libre-échangiste en poussant à la création de nouvelles zones déréglementées, au niveau continental ou intercontinental.

La plupart des engrenages de cette machine inégalitaire, entre parties du monde comme au cœur de chaque pays, peuvent encore être enrayés. Trop souvent, l’argument de la fatalité se nourrit de la censure de l’information sur les alternatives. C’est ainsi que les institutions financières internationales et les grands médias (dont les bénéficiaires de la mondialisation sont souvent propriétaires) ont fait le silence sur la proposition de l’économiste américain James Tobin, Prix Nobel d’économie, de taxer les transactions spéculatives sur les marchés des devises. Même fixée à un taux particulièrement bas de 0,1%, la taxe Tobin rapporterait près de 100 milliards de dollars par an. Collectée, pour l’essentiel, dans les pays industrialisés, où sont localisées les grandes places financières, cette somme pourrait être utilisée pour des actions de lutte contre toutes les inégalités, y compris les inégalités entre sexes, pour la promotion de l’éducation et de la santé publique dans les pays pauvres, pour la sécurité alimentaire et le développement durable. Un tel dispositif s’inscrit dans une perspective clairement antispéculative. Il alimenterait des logiques de résistance, redonnerait des marges de manœuvre aux citoyens et aux Etats et, surtout, signifierait que le politique reprend le dessus.

A cette fin, les signataires se proposent : de participer ou coopérer avec le mouvement international ATTAC pour débattre ensemble, de produire et diffuser l’information, et d’agir en commun, tant dans leurs pays respectifs qu’aux niveaux continental et international.

Ces actions communes ont pour but

- d’entraver la spéculation internationale ;

- de taxer les revenus du capital ;

- de prévoir des modalités de réattribution du produit de la taxe en faveur des populations ;

- d’abolir les paradis fiscaux intérieurs et extérieurs ;

- de lutter contre le secret bancaire ;

- d’empêcher la généralisation des fonds de pension (et de se battre pour un retour à un système de sécurité sociale fondé sur le principe de la répartition) ;

- de s’opposer aux privatisations et au démantèlement des services publics ;

- de promouvoir la transparence des investissements dans les pays dépendants ;

- d’établir un cadre légal pour les opérations bancaires et financières ne pénalisant pas les consommateurs et les citoyens-citoyennes (les salarié·e·s des institutions bancaires peuvent jouer un rôle important dans le contrôle de ces opérations) ;

- d’appuyer la revendication de l’annulation générale de la dette publique des pays dépendants sans conditions imposées par le Nord et l’utilisation des ressources ainsi libérées en faveur des populations et du développement durable, ce que beaucoup appellent le règlement de la « dette sociale et écologique » ;

- de tout mettre en œuvre pour que l’on sache que ce qui est présenté comme les accords économiques de l’OMC constitue en réalité des accords politiques d’une telle envergure que toute la vie collective et individuelle est concernée ;

- d’envisager et proposer d’autres types d’organisations économiques et sociales.

D’une manière générale, il s’agit :

- de reconquérir les espaces perdus par la démocratie au profit de la sphère financière et de grands oligopoles autocratiques ;

- de s’opposer à tout nouvel abandon de souveraineté des Etats et des droits légitimes de leurs citoyens et citoyennes au nom d’un prétendu « droit supérieur » des investisseurs et des marchands ;

- de créer, au niveau mondial, un nouvel espace politique et démocratique ;

- de rendre aux pouvoirs politiques leur rôle de contrôle de l’économie et de la répartition.


Il s’agit tout simplement de se réapproprier ensemble l’avenir de notre monde.